Auditorium Champon, 11 av Gal Champon
Localisation Grenoble

La maison universitaire de la Grande Chartreuse : "l'auberge des coucous"

Il y a, dans l’historiographie traditionnelle du monastère de la Grande Chartreuse, un vide historiographique absolu : il ne s’est rien passé entre l’expulsion violente des pères en 1903 et leur retour discret en 1940 ! La réalité est pourtant bien différente. Le monastère a été le l’objet d’une intense activité qui a mobilisé les foules et les passions. 
D’une part, ce monastère qui, depuis de nombreux siècles, avait toujours été accueillant aux  visiteurs, est devenu un site touristique de première importance, le plus fréquenté du département de l’Isère. Ce sont plus de 200 000 visiteurs par an qui, durant l’Entre-Deux guerres, montent à la Grande Chartreuse. La foule est telle durant l’été que les abords du monastère font l’objet de nombreux aménagements pour canaliser le flot des cars de tourisme et des voitures individuelles.
D’autre part, une partie du bâtiment, confiée à l’université de Grenoble, est transformée en maison universitaires d’été. De 1930 à 1939, des scientifiques venus de toute l’Europe viennent y séjourner. Marie Curie, Isabelle Joliot-Curie figurent parmi les premières pensionnaires de cet établissement.
Ce choix, par un conseil général radical, d’héberger au monastère de tels hôtes est violement combattu par la droite cléricale, singulièrement la Ligue dauphinoise d’action catholique pour laquelle il s’agit là d’un sacrilège. La maison universitaire devient pour eux une « auberge de coucous », un refuge « d’intellectuels fatigués ». Le Ligue multiplie les pressions sur les résidants, organise de très importantes  manifestations (plusieurs dizaines de milliers de personnes réunies à Voiron notamment) et une violente campagne de presse qui trouve des relais dans la presse antirépublicaine nationale. « La Chartreuse aux Chartreux » réclament Candide, l’Ami du peuple, La Croix. L’attaque contre l’« Auberge des coucous » devient l’un des enjeux principaux du vaste mouvement anti-intellectuel qui se développe en France dans les années qui précèdent la seconde guerre mondiale. Ce n’est que dans la plus grande discrétion que les pensionnaires, parfois pris à parti personnellement et même physiquement, séjournent au monastère. 
La guerre interrompt cette affectation du bâtiment. Avec l’appui de Vichy, félicité par Paul Claudel, les religieux réintègrent dès l’été 1940 le monastère, pour ne plus l’ouvrir à aucune visite, tandis que la mémoire de cette occupation universitaire est totalement occultée à la Libération.
Le conférencier :
René Favier, La Maison universitaire de la Grande Chartreuse. L’auberge des coucous (1903-1940), Grenoble, PUG, 2023,
110 p.

Loading…
Loading the web debug toolbar…
Attempt #